Pour l’imam Tareq Oubrou « La prochaine étape ce sont des mosquées »
« Nous sommes meurtris car des barbaries ont été commises au nom de notre religion », a lancé Tareq Oubrou, grand imam de Bordeaux devant la mosquée, rue Jules-Guesde, lieu de départ de la marche interreligieuse qui a eu lieu ce vendredi. Il a aussi mis en garde les musulmans contre le terrorisme sans limites au nom du jihadisme, estimant que « la prochaine étape ce sont des mosquées ».
Dans certains pays au Moyen-Orient « on fait exploser des mosquées » au nom de l’islam
La « barbarie inqualifiable » à l’œuvre dans les attentats de Paris « nous interpelle tous, car on n’est pas à l’abri de cette violence. Demain, ou après-demain, il y aura un truc ici, à la mosquée. Parce que je pense que la prochaine étape ce sont des mosquées », a déclaré Tareq Oubrou dans son prêche à la mosquée de Bordeaux.
Dans certains pays au Moyen-Orient « on fait exploser des mosquées » au nom de l’islam, a-t-il relevé. « Incroyants, non-musulmans, chiites, sunnites, pratiquants ou non… ils (les terroristes) n’ont rien épargné. Même pas les mosquées! Ils n’ont rien à voir avec l’islam », a lancé l’imam à quelque 600 fidèles réunis pour la prière du vendredi, leur rappelant que « le terrorisme a tué plus de musulmans que de non-musulmans ».
« Le terrorisme n’a pas de pensée, pas de doctrine, pas de projet, pas d’idéologie ». « Le désordre ou le chaos sont leur religion. C’est le propre de l’intégrisme: créer des implosions de l’intérieur », a réaffirmé l’imam dans l’après-midi, à la tête d’une marche inter-religieuse qui a rassemblé près de 2.000 personnes.
La marche était conduite par les représentants locaux des divers cultes, avec de grands élus locaux au coude-à coude, dont le maire (LR) de Bordeaux, Alain Juppé, le président (PS) de la Région Aquitaine, Alain Rousset, le député-maire écologiste de Bègles, Noël Mamère. Elle a sillonné le centre-ville, marquant une minute de silence devant la mosquée, la synagogue, le temple protestant, puis la cathédrale.
« Nous sommes ensemble pour montrer que nous résistons contre l’oppression — c’est la liberté — contre les discriminations –l’égalité — et contre la haine et la mort — la fraternité », a déclaré Alain Juppé.
Une Marseillaise époumonée, puis « l’Ode à la Joie », de Ludwig van Beethoven, joué par un orchestre, puis des chants improvisés comme « Imagine » (John Lennon) ont ponctué dans la cour de la mairie une marche empreinte de gravité, mais aussi de sourires, d’optimisme.
Français et musulmans, on sera là pour combattre les terroristes
« Je suis ici pour dire qu’ils ne réussiront pas à faire l’amalgame entre musulmans et terroristes », confiait à l’AFP Abdelsamad, 36 ans. « Français et musulmans, on sera là pour combattre les terroristes. Je suis né au Maroc, mais j’ai grandi ici, c’est mon pays, et je vais me battre jusqu’au dernier jour pour ce beau pays qui m’a accueilli ».
Auparavant, dans un sermon vigoureux d’une demi-heure, en arabe puis en français, Tareq Oubrou, imam influent considéré comme le théoricien d’un « islam occidental », avait appelé les musulmans de France à « changer leur logiciel » et à se défaire d’une « culture d’assiégés » dans laquelle beaucoup ont grandi ou ont été élevés. « J’ai l’impression que le monde musulman souffre de l’intérieur. Les musulmans n’ont pas le logiciel qui leur permet de vivre normalement avec les autres ». La responsabilité incombe en partie aux « savants de l’islam », selon Tareq Oubrou. C’est à eux qu’il revient de « reformuler un logiciel qui permette aux musulmans d’être en harmonie avec Dieu tout en étant en harmonie avec les autres ».
Tareq Oubrou, figure libérale de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF, proche des Frères musulmans), a refusé de lire un texte transmis par le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) aux mosquées, une « ligne directrice » pour le prêche de vendredi, à la suite des attentats; « Je n’attends de texte d’aucune institution et fais mes sermons sans papier », a-t-il expliqué à l’AFP.
Tareq Oubrou
Tareq Oubrou a présidé l’association « Imams de France » et a fondé l’AMG (Association des musulmans de la Gironde) affiliée à l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). En raison de ses positions, il est néanmoins marginalisé au sein de l’UOIF. Après avoir développé une conception très radicale de l’islam, appelant notamment au rétablissement du califat, il l rejoint l’UOIF grâce à la lecture d’Hassan el-Banna, le fondateur des Frères musulmans. Il affirme ainsi : « S’il n’y avait pas eu l’UOIF, je serais un taliban ».
Au début des années 1990, il contribue à faire construire la mosquée El-Houda de Bordeaux. L’Institut de découverte et d’étude des mondes musulmans est créé sous son impulsion et il décide d’ouvrir les portes de la mosquée aux visites scolaires.
En 2002, dans son livre entretien avec la sociologue Leïla Babes: Loi d’allah, loi des hommes, il écrit (page 216) : « Le khimâr (cachant les cheveux et le cou) et le jilbâb (qui cache le reste du corps) sont des prescriptions vestimentaires divines qui ne sont abrogées par aucun autre texte. Objectivement, s’il y avait le moindre soupçon sur cette norme, je serais le premier à prôner sa levée. ». Il est opposé à la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises tout en estimant que le foulard islamique n’est qu’une prescription mineure et en prônant une« visibilité discrète de l’islam ».
En 2012, dix ans après, sa lecture de la question a évolué, quand il déclare à l’Express : « Quant au voile, je n’ai trouvé aucun texte qui oblige la femme à se couvrir la chevelure », puis l’année suivante il déclare que le Coran n’oblige pas la femme à se couvrir les cheveux mais qu’elle doit cependant rester pudique, c’est ce principe qui ressort de son interprétation du Coran. Ainsi pour lui, aujourd’hui le foulard chez les musulmans est devenu un objet obsessionnel qui réduit la femme musulmane à un foulard.
Lors de la guerre de Gaza de 2014, il appelle les musulmans de France à ne pas confessionnaliser le conflit et déplore « un processus d’identification massif au peuple palestinien par une population musulmane vulnérable ».
Il préconise la réécriture de l’Histoire de France dans les manuels scolaires « à la lumière de la présence musulmane aujourd’hui. ».
Dans un article du journal Le Monde Tareq Oubrou prône également une visibilité musulmane discrète, qui se concentre sur des pratiques islamiques invisibles de la vie de tous les jours comme les 5 prières ou les valeurs morales (générosité, respect, humilité, la piété etc).
Après l’attentat contre Charlie Hebdo, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve le choisit comme interlocuteur privilégié des pouvoirs publics dans sa volonté de relancer le dialogue avec les représentants musulmans. (source wikipedia)