Le yuan s’impose face au dollar dans l’énergie, l’euro en embuscade

Image d'illustration. Énergie renouvelable et émissions industriellesADN
Alors que le yuan gagne du terrain dans les transactions internationales de pétrole et de gaz, la domination du dollar s’effrite progressivement. Cette évolution ouvre la voie à une possible montée en puissance de l’euro sur ce marché stratégique.
Tl;dr
- Le yuan s’impose dans le commerce énergétique russo-chinois.
- L’Europe reste très dépendante du dollar pour l’énergie.
- L’euro pourrait devenir une monnaie clé pour l’énergie.
Un bouleversement monétaire dans le commerce de l’énergie
L’évolution du marché mondial de l’énergie bouscule les certitudes. Les échanges entre la Russie et la Chine, désormais massivement réglés en yuan, mettent en lumière un mouvement de dédollarisation qui rebat les cartes. À Tianjin, lors du 25ᵉ sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), les dirigeants chinois et russes ont clairement affiché leur volonté de développer un commerce énergétique libéré du poids du dollar américain. À cette occasion, la proposition chinoise d’une nouvelle banque de développement visant à contourner les sanctions internationales a marqué un tournant.
L’euro à la croisée des chemins face au yuan
Cette dynamique n’est pas sans conséquence pour l’Union européenne (UE). Bien que le dollar demeure la référence : plus de 80 % du pétrole importé par l’UE reste facturé dans cette devise, alors même que la majorité ne provient pas des États-Unis. Ce choix expose Bruxelles aux fluctuations imposées par la politique monétaire américaine, tout en réduisant sa marge d’action.
En parallèle, le renforcement du yuan dans les transactions énergétiques ouvre, paradoxalement, une opportunité stratégique pour l’euro. Certes, la devise européenne représente déjà 20 % des réserves mondiales et sert à plus de la moitié des exportations européennes. Mais sa place dans le commerce énergétique demeure marginale. Dès 2018, la Commission européenne encourageait pourtant à augmenter la part de l’euro dans les contrats pétroliers et gaziers afin d’asseoir davantage sa souveraineté économique.
Complexification des échanges pour les entreprises européennes
La montée en puissance des paiements en yuan change la donne pour les entreprises européennes. Jusqu’ici habituées à se couvrir contre le risque de change sur des marchés bien rodés autour du dollar, elles devront composer avec une réalité nouvelle : le yuan reste contrôlé par Pékin et sa liquidité sur les marchés internationaux est limitée. Cela implique des opérations plus coûteuses et parfois plus lentes.
Plusieurs exemples concrets illustrent cette tendance : en mars 2023, une première transaction internationale de gaz naturel liquéfié entre TotalEnergies et une entreprise chinoise s’est réalisée en yuan via une bourse à Shanghai. Quelques mois plus tard, un nouvel accord a vu le jour entre la société publique chinoise et Engie. Voici quelques conséquences principales pour ces entreprises :
- Diversification monétaire accrue : il faudra gérer plusieurs devises simultanément.
- Croissance des coûts financiers, liés aux outils limités sur le yuan.
- Nécessité d’adapter leurs systèmes financiers internes.
L’Europe peut-elle imposer l’euro comme monnaie énergétique ?
Pourtant, cette complexité pourrait devenir un atout si l’Europe parvient à imposer son euro comme référence sur le marché mondial de l’énergie. L’euro bénéficie d’une stabilité reconnue et d’une pleine convertibilité – autant d’arguments pour convaincre producteurs et partenaires commerciaux, y compris ceux cherchant à diversifier leurs avoirs hors dollar ou yuan.
Toutefois, bâtir une véritable « monnaie énergétique européenne » exige une politique cohérente : renforcer les marchés financiers régionaux, développer des produits dérivés énergétiques libellés en euros et rassurer quant à la fiabilité du cadre réglementaire européen.
Au fond, il ne s’agit pas tant d’écarter le yuan que d’établir un équilibre durable où chaque grande devise – dollar, yuan et euro – jouerait pleinement son rôle sur l’échiquier mondial des échanges énergétiques.
