AccorHotels monte en gamme avec le rachat d’un concurrent du luxe, le Qatar premier actionnaire
En rachetant le canadien FRHI, le français AccorHotels négocie un tournant dans son histoire, se renforçant sur le secteur du luxe et sur le territoire américain tout en faisant du Qatar son premier actionnaire.
L’opération, qui s’élève à 2,6 milliards d’euros, la plus importante acquisition de l’histoire du géant de l’hôtellerie française, va entraîner de gros changements dans l’actionnariat du groupe, dirigé par l’ex-financier Sébastien Bazin.
Ce dirigeant de 54 ans a pris la tête d’AccorHotels en août 2013. Il était jusqu’à cette date patron de Colony Capital Europe, fonds d’investissement connu notamment pour avoir cédé le club français du PSG (Paris Saint Germain) au Qatar en 2011.
Les trois enseignes de luxe Fairmont, Raffles et Swissotel rachetées mercredi, sont regroupées au sein du groupe canadien FRHI, lui-même détenu par les fonds souverains qatari (Qatar Investment Authority) et saoudien (Kingdom Holding Company of Saudi Arabia, propriété du prince saoudien Al Walid ben Talal) et par un fonds de pension canadien (OMERS).
Elles totalisent 155 hôtels (dont 40 en développement) parmi lesquels des établissements « légendaires » comme le Raffles à Singapour, le Savoy à Londres, le Fairmont Peace Hotel à Shanghai, le Plaza Hotel à New York, ou encore le Royal Monceau – Raffles Paris.
Cette acquisition historique permet à AccorHotels de « consolider son actionnariat avec l’entrée au capital de deux investisseurs reconnus, grands spécialistes de l’hôtellerie mondiale », a souligné M. Bazin.
Le groupe prévoit de financer les deux-tiers de l’opération via une augmentation de capital réservée, qui permettra aux investisseurs qatari et saoudien de prendre respectivement 10,5% et 5,8% de son capital (contre 11,2% aujourd’hui pour les fonds Colony et Eurazeo, principaux actionnaires).
Si les actionnaires en sont d’accord, le fonds qatari aura deux représentants au conseil d’administration et le prince Al Walid en aura un.
« saisir sa chance »
« Depuis 2008, AccorHotels a deux actionnaires de référence qui sont Colony et Eurazeo, ces derniers ont vocation à sortir un jour. De voir le Qatar et le prince Al Walid rentrer dans le capital d’AccorHotels n’est pas forcément une mauvaise chose dans la mesure où ils connaissent bien l’hôtellerie, ont déjà des portefeuilles hôteliers en propre et ont du temps devant eux, ils ne sont pas pressés de sortir », analyse pour l’AFP André Juillard, analyste chez Kepler Cheuvreux.
AccorHotels, jusqu’ici leader mondial sur le segment économique et moyen de gamme avec ses marques phares Ibis, Novotel et Mercure, affiche clairement sa volonté de devenir « leader mondial incontestable dans le segment du luxe » avec trois nouvelles marques emblématiques dans son portefeuille.
Il compte désormais 500 hôtels de luxe et « bientôt 650 », a affirmé mercredi soir Sébastien Bazin lors d’un point presse téléphonique. « On sait avec certitude que nous serons parmi les trois acteurs mondiaux dans le secteur du luxe, derrière Starwood notamment », a martelé le PDG du groupe français.
Pour Georges Panayotis, président du cabinet MKG, être présent dans le haut de gamme est « une nécessité pour être capable d’exister au niveau mondial.AccorHotels avait un pied solide sur l’économique et le moyen de gamme, là, M. Bazin lui donne un pied solide sur le haut de gamme », ajoute-t-il.
Selon lui, le groupe français a enfin « saisi sa chance après avoir raté plusieurs opportunités d’acquisitions majeures telles que Hilton ou Méridien » et « il ne fallait pas la rater ». Le rachat de FRHI constitue également l’opportunité de se repositionner aux Etats-Unis, marché duquel Accor s’était retiré en 2012, après la cession de Motel6.
Pour M. Bazin, les Etats-Unis représentent le premier marché émetteur au monde pour le tourisme international ».
« Le marché américain est le marché le plus mature au monde et quand vous rentrez sur ce marché par le segment le plus bas, vous êtes à la merci de tous les autres acteurs et de leur politique de pricing: si un acteur décide de baisser ses prix aux Etats-Unis, les autres sont obligés de suivre et si vous n’êtes que sur le segment économique, vous êtes pressurisés alors qu’en étant sur le haut de gamme, bien que plus cyclique, les marges de manœuvre sont plus larges », dit M. Juillard.
Autre atout de ce rachat, plus symbolique, l’acquisition du palace parisien le Royal Monceau – Raffles, qui permet au français de se positionner sur le secteur des palaces parisiens, ce qui lui manquait cruellement.