Le pacte Dutreil : son rôle clé dans la transmission d’entreprise et les raisons de sa remise en cause

Image d'illustration. Des salariés en salle de réunion ADN
Le pacte Dutreil facilite la transmission des entreprises familiales en allégeant les droits de succession. Pourtant, cet avantage fiscal fait débat et certains acteurs économiques ou politiques plaident aujourd’hui pour sa suppression, invoquant des raisons d’équité et d’efficacité.
Tl;dr
- Le pacte Dutreil facilite la transmission d’entreprises familiales.
- La Cour des comptes critique son coût pour l’État.
- Son avenir alimente un vif débat parlementaire.
Un mécanisme fiscal sous le feu des critiques
Rarement un dispositif aussi technique aura autant agité les débats à l’Assemblée nationale. Le pacte Dutreil, instauré en 2003, ressurgit alors que la discussion budgétaire bat son plein au Palais-Bourbon. Pour certains parlementaires, cette niche destinée à faciliter la transmission d’entreprises familiales s’avère aujourd’hui coûteuse pour les finances publiques. Selon la Cour des comptes, le manque à gagner serait estimé à 5,5 milliards de dollars. Dans un contexte où le gouvernement vise plus de 40 milliards d’euros d’économies à horizon 2026, difficile de ne pas pointer ce levier comme source potentielle d’ajustement.
L’esprit du pacte : pérenniser l’entreprise familiale
Concrètement, le pacte Dutreil offre une exonération de 75 % des droits de mutation en cas de donation ou succession d’une entreprise familiale. Objectif affiché : préserver la continuité entrepreneuriale en évitant que les héritiers ne soient écrasés par la fiscalité lors de la transmission. Toutefois, pour bénéficier de cette aubaine fiscale, il faut remplir plusieurs conditions strictes :
- S’engager à conserver l’entreprise sur une durée minimale (quatre ou cinq ans selon le cas)
- Assurer une fonction effective dans la structure pendant cette période
La notaire Arlette Darmon, du cabinet Monassier & Associés, insiste : « La motivation, c’est d’assurer la pérennité et sauver nos entreprises françaises. » Les statistiques semblent lui donner raison quant au respect global de ces engagements.
Divergences persistantes entre protection et abus
Cependant, ce dispositif ne fait pas l’unanimité. D’aucuns dénoncent ses effets pervers : certains bénéficiaires détourneraient l’esprit du texte en intégrant des actifs personnels (yachts, avions privés) sous couvert d’actifs professionnels. La critique rejoint celle formulée lors du débat sur la « taxe Zucman », autour des montages patrimoniaux sophistiqués. De leur côté, les partisans du pacte rappellent qu’il s’agit surtout d’éviter liquidations ou ventes forcées au profit de capitaux étrangers – et donc de protéger l’emploi local. « On ne voit pas passer de yachts dans nos dossiers », ironise Me Darmon tout en admettant qu’il serait légitime d’exclure certains biens manifestement éloignés de l’objet entrepreneurial.
L’avenir incertain du pacte Dutreil
Faut-il réformer en profondeur ce mécanisme devenu complexe au fil des années ? Le ministre délégué aux PME, Serge Papin, prône une ligne médiane : reconnaître les abus sans remettre totalement en cause ce « pacte de confiance conclu entre les entreprises familiales et la nation ». À l’horizon 2033, près de la moitié des entreprises familiales françaises seront appelées à changer de main selon une étude citée par la BPI. De quoi assurer que le débat autour du pacte Dutreil, loin d’être tranché, continuera d’animer les travées parlementaires dans les prochains mois.
