Loi Noé: face aux artisans inquiets pour leurs qualifications, Macron tente de déminer le terrain
Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron s’est efforcé mardi de déminer le terrain face aux inquiétudes des artisans sur l’un des volets de son projet de loi Noé, qui prévoit de revoir les qualifications nécessaires pour exercer certains métiers.
Un mois après avoir présenté les contours de son projet de loi sur les « nouvelles opportunités économiques » (Noé), attendu en conseil des ministres en janvier, le ministre a tenté de clarifier ses intentions en la matière.
« Il est possible de préserver vos atouts et vos savoirs-faire tout en valorisant notre potentiel de créations d’emplois, ce qui implique au premier chef de moderniser ce système de qualifications », a-t-il déclaré lors d’un séminaire organisé par l’Assemblée permanente des chambres de métiers de l’artisanat (APCMA) et l’Union professionnelle artisanale (UPA).
« Toutes les qualifications des métiers qui concernent la santé et la sécurité, il ne s’agit en aucun cas de les remettre en cause », a assuré le ministre, qui a déjà reçu à plusieurs reprises des représentants des professions concernées à Bercy.
« Mais dans nombre de situations, nous avons collectivement – professions et pouvoirs publics – créé des contraintes (…) qui ne sont pas justifiées », a-t-il poursuivi.
Selon M. Macron, « la condition de l’excellence, c’est avant tout la compétence, et le diplôme n’a pas le monopole de la compétence ».
« La compétence, elle peut s’acquérir par l’expérience et l’obligation de qualification comme préalable n’est donc pas indispensable en soi, au bon fonctionnement d’un secteur », a-t-il souligné, observant par exemple que la restauration fonctionnait sans exigence de qualification.
Le ministre a indiqué que Bercy avait établi une « liste très exhaustive de professions » qui se sont vues imposer des exigences de qualifications ou des réglementations, dans le prolongement d’une loi de 1996.
Selon lui, l’idée est d’effectuer, en concertation avec les représentants des métiers concernés, « un travail de peignage » pour « enlever tout ce qui est inutile ».
Sans dévoiler cette liste de professions, le ministre a cité quelques exemples de « barrières » dans certains secteurs, qui empêchent de créer des emplois, selon lui.
– « Ne pas négliger les compétences » –
« Aujourd’hui, si vous voulez ouvrir votre restaurant vous le pouvez, si vous voulez ouvrir votre commerce de laveur de voitures, vous ne le pouvez pas, à défaut d’être carrossier », a-t-il dit, suscitant quelques réactions dans l’assistance. « C’est faux », lui ont lancé certaines personnes.
M. Macron a par ailleurs estimé que ces mesures permettraient de faire revenir dans la légalité certaines activités actuellement largement exercées au noir.
Dans « le secteur du bâtiment, on peut grâce à cela re-professionnaliser toute la filière des petits travaux d’entretien à domicile qui n’existe quasiment pas aujourd’hui », a-t-il dit.
Plusieurs professions ont manifesté ces dernières semaines leur inquiétude face au projet de loi Noé.
« C’est nous tirer vers le bas », a déclaré lundi à l’AFP Patrick Liébus, président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), qui se refuse à « élaborer une liste d’entreprises qui seraient écartées des qualifications ».
Il se dit en revanche « d’accord sur le fait d’instaurer une simplification, concernant les surqualifications demandées pour certains métiers », telles que « l’obligation faite à tous les salariés des entreprises, de suivre une formation de trois jours pour travailler près d’une prise électrique ou d’un raccordement électrique ».
Début décembre, l’Union nationale des Entreprises de Coiffure (Unec) a lancé une opération invitant les élus à prendre une leçon de coiffure pour comprendre l’importance des qualifications dans ce métier.
Répondant au président de l’Unec Bernard Stalter, M. Macron a assuré qu’il ne s’agissait « pas de négliger les compétences et les qualifications », mais de voir si l’exigence d’avoir un BEP plutôt qu’un CAP pour s’installer comme coiffeur était justifiée, et d’examiner s’il était possible de valoriser « les acquis de l’expérience ».
« Le ministre dans son discours n’a pas dit qu’il était contre les qualifications », s’est félicité Alain Griset, président de l’APCMA, devant des journalistes, saluant sa volonté de « simplifier la validation des acquis de l’expérience ».