La Cour des comptes suggère de revoir l’indemnisation chômage
La dette de l’assurance chômage menace “la soutenabilité du régime”, selon un rapport de la Cour des comptes consulté lundi par l’AFP, qui suggère, entre autres pistes d’économies, de baisser les allocations, à quelques semaines d’une renégociation des règles d’indemnisation.
Taux de remplacement élevé par rapport aux autres pays de l’OCDE
Selon l’Unédic, gestionnaire du régime, la dette devrait atteindre 29,4 milliards d’euros fin 2016, et même 35 milliards fin 2018. Un niveau “préoccupant” qui “soulève la question de la soutenabilité du régime” géré par les partenaires sociaux, écrit la Cour dans son rapport, qui a été remis au bureau de l’Unédic le 12 janvier.
Elle décrit un régime très généreux: un “taux de remplacement élevé par rapport aux autres pays de l’OCDE”, le “plus grand nombre de chômeurs couverts”, une durée maximale d’indemnisation parmi “les plus élevées” et le “montant maximal d’indemnisation (6.200 euros nets par mois) le plus élevé parmi les pays comparables”.
Les auteurs du rapport relèvent, en outre, une forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi indemnisés (+750.000 entre 2008 et 2014) et une augmentation de l’indemnisation moyenne (+7,8% en cinq ans). Au 31 octobre, 2,64 millions de demandeurs d’emploi percevaient l’assurance chômage, sur 6,13 millions d’inscrits à Pôle emploi en métropole.
Avec, depuis plusieurs décennies, un taux de chômage élevé (10,2% au troisième trimestre 2015), “il n’est pas possible d’attendre de la seule reprise de la croissance la résorption de la dette de l’Unédic”, selon la Cour, qui appelle les partenaires sociaux à “effectuer des choix pour garantir sa pérennité”.
Du côté des dépenses, elle voit de fortes marges en agissant sur l’indemnisation.
Aujourd’hui, un chômeur célibataire sans enfant touche en moyenne 70% de son ancien salaire net. “Une diminution d’un point” de ce taux “représenterait une économie de 422 millions d’euros”, estime la Cour.
Autre piste: “Le passage de la durée maximale d’indemnisation à trois ans pour les plus de 55 ans, au lieu de 50 ans aujourd’hui, représenterait une économie de 450 millions d’euros.” La Cour prévient toutefois qu’une telle mesure aurait un “coût pour les finances publiques”, en entraînant une “hausse des prestations versées dans le cadre du régime de solidarité”.
La Cour pointe aussi du doigt le principe “un jour cotisé = un jour indemnisé”: le passage à un ratio de 0,9 jour indemnisé pour un cotisé “se traduirait par une économie de 1,2 milliard d’euros par an”. Du côté des recettes, elle note que le taux de contributions est “inchangé depuis 2007”, alors que 0,1 point de cotisation supplémentaire rapporterait “environ 500 millions d’euros”.
Elle évoque aussi le “coût élevé” du mécanisme d’activité réduite, qui permet à un allocataire de cumuler salaire et indemnités, ce qui peut “installer les salariés de certains secteurs dans la précarité”. La Cour recommande enfin “d’allonger la durée de validité des conventions d’assurance chômage” négociées par les partenaires sociaux. L’actuelle convention, qui arrive à échéance le 30 juin, n’a été conclue que pour deux ans.
La négociation de la prochaine convention va débuter dans quelques semaines. Lundi François Hollande a demandé de “tout faire pour que le retour vers l’emploi soit encouragé, favorisé, et financé”.
Pour la CGT, le travail précaire est responsable du déficit
La CGT va proposer, lors des prochaines négociations sur les nouvelles règles de l’assurance chômage, de taxer davantage les contrats précaires, principaux responsables selon elle du déficit du régime, alors que la Cour des comptessuggère de baisser les allocations.
“Il faut s’attaquer aux causes du déficit de l’assurance chômage. Les solutions existent, autres que de baisser les droits des demandeurs d’emploi et les niveaux d’indemnisation”, a déclaré lors d’une conférence de presse Eric Aubin, négociateur du syndicat.
Selon un rapport de la Cour des comptes présenté à l’Unédic le 12 janvier, la dette de l’assurance chômage (qui devrait atteindre 29,4 milliards d’euros fin 2016) menace “la soutenabilité du régime”. Le rapport évoque, entre autres pistes, de baisser les allocations, à quelques semaines d’une renégociation des règles d’indemnisation.
Pour la CGT, les causes du déficit sont liées “au coût de la précarité” (contrats courts) et aux ruptures conventionnelles (“350.000 en 2015”, selon ses calculs). Ces dernières permettent, depuis 2008, de rompre un CDI d’un commun accord entre l’employeur et le salarié, qui accède à l’assurance chômage.
“Une surcotisation des contrats courts s’impose donc”, estime M. Aubin. Il souligne que l’accord national interprofessionnel de 2013 prévoyait bien une surcotisation, mais qu’en ont été “écartés les CDD d’usage et les contrats intérimaires, au nom du fait que le patronat de l’intérim défendait à l’époque un +CDI intérimaire+ censé faire baisser la précarité”.
“Or seulement 3.000 CDI intérimaires ont été signés, contre un engagement de 20.000: la précarité de l’intérim n’est donc pas résolue”, selon le responsable cégétiste. Concernant les ruptures conventionnelles, “principalement utilisées pour éviter des plans sociaux et des pré-retraites déguisées”, la CGT demande une contribution de l’employeur “qui pourrait varier selon l’âge du senior”.
Interrogé sur la dégressivité des allocations chômage, M. Aubin a répondu: “c’est une mauvaise mesure, qui a déjà été en application avant 2001, et n’a eu aucun effet sur la baisse du chômage”. Aujourd’hui, rappelle-t-il, “moins d’un demandeur d’emploi sur deux est indemnisé par l’assurance chômage; les trois quarts des indemnisés perçoivent moins de 1.200 euros, un quart moins de 625 euros. Donc l’indemnisation est loin d’être à un niveau qui permette de se payer le luxe de rester au chômage”.
La CGT souhaite augmenter la durée d’indemnisation, “étant donné que la durée au chômage augmente”, en passant de 24 à 30 mois, et de 36 à 60 mois pour les seniors.
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— LesNewsEco (@LesNewsEco) 19 Janvier 2016