L’Etat va renflouer EDF dans le cadre d’un projet d’augmentation de capital de 4 milliards d’euros
Après Areva fin janvier, c’est maintenant EDF, l’autre pilier du nucléaire français, que l’Etat s’est engagé à renflouer, dans le cadre d’un projet d’augmentation de capital de 4 milliards d’euros annoncé vendredi par l’électricien, parmi d’autres mesures-choc pour renforcer sa situation financière.
Le groupe, détenu à près de 85% par l’Etat, et le gouvernement discutaient depuis des semaines pour trouver une issue à l’équation financière de l’électricien, endetté et plombé par des prix de l’électricité en berne en Europe et un mur d’investissements à venir, notamment le controversé projet Hinkley Point, dont l’ultime feu vert a encore une fois été reporté.
« EDF est un groupe déjà endetté, de plus en plus endetté, et il est indispensable que nous mettions cet endettement sous contrôle. Le groupe doit donc dégager des moyens supplémentaires pour financer ses investissements », a justifié le PDG Jean-Bernard Lévy, dans un entretien au Figaro mis en ligne vendredi soir.
A l’issue d’un conseil d’administration de plus de quatre heures, le groupe a finalement validé un projet d’augmentation de capital de 4 milliards d’euros pour renflouer ses fonds propres, qu’il compte lancer d’ici le début de l’année prochaine, si les conditions en Bourse le permettent.
L’Etat mettra la main au portefeuille à hauteur de 3 milliards d’euros, a indiqué Bercy, alors qu’en janvier, il s’est déjà engagé à renflouer Areva.
Le gouvernement n’a pas détaillé comment il financerait ce nouveau coup de pouce à l’industrie nucléaire française, mais il dispose de participations dans d’autres entreprises qu’il pourrait céder.
Pour s’assurer ce soutien, EDF a aussi dû muscler ses propres efforts, comme l’avait réclamé le ministre de l’Economie Emmanuel Macron. Il vise désormais une baisse de ses coûts « d’au moins un milliard d’euros » en 2019 par rapport à 2015, soit bien plus que les 700 millions d’euros en trois ans initialement prévus.
L’électricien, qui avait déjà prévu de réduire de 5% ses effectifs en France, n’évoque pas de suppressions de postes supplémentaires. « On suppose que ça ne peut pas ne pas avoir de conséquences », a indiqué une source syndicale à l’AFP. Une autre ne voit « pas plus de pression sur les effectifs », par rapport aux réductions programmées.
Dans le même temps, EDF va réduire ses investissements nets (hors compteur intelligent Linky et nouveaux développements) de près de 2 milliards d’euros en 2018 par rapport à ceux réalisés en 2015. Il s’établiront donc à 10,5 milliards d’euros à cette échéance.
Le groupe compte aussi récupérer 10 milliards d’euros en cédant des centrales thermiques (gaz, charbon, fioul) à l’étranger et des participations minoritaires. Enfin, le gouvernement s’est résolu à ouvrir le capital du gestionnaire du réseau électrique à haute tension RTE. Bercy veut que cela soit mis en oeuvre « d’ici fin 2016 ».
Hinkley Point encore retardé
Cette thérapie de choc doit permettre au groupe d’aborder plus sereinement l’avenir. Et notamment la maintenance lourde des 58 réacteurs français (le « grand carénage »), évaluée à plus de 50 milliards d’euros d’ici 2025.
Il devra aussi financer le rachat, décidé par l’Etat l’an dernier, de l’activité réacteurs d’Areva, valorisée autour de 2,5 milliards d’euros. Une offre ferme de l’électricien est attendue, mais toujours suspendue à la résolution du dossier de l’EPR en construction en Finlande par Areva.
Ces mesures sont apparues indispensables avec les polémiques et doutes soulevés depuis des mois par les syndicats, les marchés financiers et même l’ancien directeur financier de l’électricien, démissionnaire en mars dernier, sur la capacité du groupe à assumer tous ses investissements, et en particulier Hinkley Point, méga-projet de construction de deux EPR au Royaume-Uni.
Alors qu’une décision finale d’investissement était attendue début mai, EDF s’est également donné de l’air vendredi sur ce dossier. Le PDG a annoncé aux administrateurs que le comité central d’entreprise (CCE) serait consulté sur ce dossier, comme le réclamaient les syndicats.
Cete démarche « reporte la décision [concernant Hinkley Point] de plusieurs semaines », a indiqué une source proche du groupe à l’AFP, tandis que la FNME-CGT évoque un décalage « à fin juin ».
Une autre source syndicale évoque « deux à trois mois » pour que le CCE se prononce. Cela servira à « faire la promotion d’un projet différent » dans l’idée de différer la décision d’investissement de trois à quatre ans, dit-elle.
Il s’agit d’un énième report du lancement effectif de ce projet géant, évalué à 18 milliards de livres (environ 23 milliards d’euros), et financé à un tiers par le chinois CGN.