Les mega navires facent aux limites de la sécurité maritime
Des navires de plus en plus gros, transportant de plus en plus de marchandises, mais aussi de plus en plus de passagers. Et si un accident survenait? Sommes-nous prêts à y faire face? Pas sûr, disent des experts.
Un porte-conteneurs de 398 mètres de long
Quelque 8.400 personnes, dont 6.300 passagers, pourront embarquer à compter de mai à bord du paquebot Harmony of the seas, actuellement en construction à Saint-Nazaire. Le navire, véritable ville flottante de la compagnie américaine Royal Caribbean, qui souhaite ainsi proposer au plus grand nombre des prix toujours plus compétitifs, sera alors le plus grand paquebot du monde, avec 362 mètres de long.
La compagnie CMA CGM a inauguré de son côté en octobre le Bougainville, plus gros porte-conteneurs battant pavillon français. Long de 398 mètres, soit quatre terrains de foot, le navire peut transporter jusqu’à 18.000 conteneurs EVP (équivalent vingt pieds, soit la taille standard).
Trente-cinq autres bâtiments dans le monde peuvent transporter le même nombre de boîtes, tandis que huit ont une capacité un peu supérieure. Soixante-dix, pour la plupart de 20.000 EVP, seront livrés d’ici 2019, selon le cabinet Alphaliner. Les armateurs sont ainsi engagés dans une course au gigantisme destinée à réduire leurs coûts de fonctionnement. Cependant, bien que le secteur affiche des statistiques de sécurité supérieures à d’autres modes de transport, cette évolution pose question.
« Le transport maritime est incontestablement plus sûr et moins polluant qu’il ne l’a été, mais beaucoup reste à faire », a assuré Frederick Kenney, de l’Organisation maritime internationale (OMI), lors du colloque Safer Seas récemment organisé à Brest. L’expert a mentionné quelque 53 conventions et des dizaines de directives et circulaires régissant les questions de sécurité maritime au niveau international. Parmi celles-ci, la convention Solas de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, considérée comme la plus importante en matière de sécurité des navires de commerce.
« On ne saura pas gérer »
Avec des bateaux de cette taille, « tout est forcément plus problématique », juge dans un entretien à l’AFP Paul Tourret, directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar), évoquant la question de l’évacuation des passagers, de la traction du navire, du volume de marchandises susceptibles de tomber à la mer et de la présence de grandes quantités de fioul.
Le jour où on aura « un porte-conteneurs de 20.000 boîtes qui entre en collision avec un navire de croisière avec 10.000 personnes à bord, ça va poser un très, très gros problème », a mis en garde lors du colloque Hubert Ardillon, à la tête de la Confédération européenne des associations de capitaines de navires (Cesma). « On ne saura pas gérer », a-t-il prévenu.
« Le gigantisme, on l’a bien intégré dans les plans Orsec maritimes désormais, mais la réalité peut nous rattraper », a reconnu Daniel Le Direach, administrateur général des Affaires maritimes et adjoint au préfet maritime de l’Atlantique.
Actuellement, aucune limite de taille n’est imposée au niveau international, en dehors de limites pragmatiques comme celles liées à l’accessibilité des ports. « Tant qu’il n’y a pas d’accident et que les assureurs n’auront pas mis le holà, ça va continuer à avancer comme cela », juge Paul Tourret.
Le Forum international des transports (FIT), une organisation intergouvernementale liée à l’OCDE, rappelle cependant dans un récent rapport qu’il existe des précédents dans le secteur maritime où la taille des navires s’est stabilisée et a même diminué.
Les dimensions des pétroliers ont ainsi été revues à la baisse à la suite des chocs pétroliers de 1973 et 1979, mais aussi des marées noires des années 1980 et 1990. « Si on tient compte des réflexes réglementaires typiques qui font suite à une catastrophe maritime, un éventuel accident impliquant un porte-conteneurs géant pourrait changer la dynamique de la situation actuelle », estime le FIT.
La première version de la convention Solas a été adoptée en 1914, en réponse au naufrage du Titanic.
Liste des plus grands navires
Cette liste énumère quelques-uns des plus grands navires au monde, classés selon leur longueur hors-tout. Notez qu’en dessous de 350 m de longueur, cette liste n’est pas représentative de la flotte actuelle car les navires atteignant cette taille sont désormais courants. D’autres mesures sont aussi utilisées pour classer les navires, comme le port en lourd pour les cargos, le nombre de passagers pour les paquebots, le déplacement, la jauge, etc.
Nom | Type | Longueur (m) | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Knock Nevis | Superpétrolier | 458 | |||||
Batillus Prairial Bellamya Pierre Guillaumat | Superpétrolier | 414 | |||||
Esso Atlantic Esso Pacific (sister-ships) | Superpétrolier | 406 | |||||
CSCL Globe | Porte-conteneurs | 400 | |||||
Mærsk Mc-Kinney Møller | Porte-conteneurs | 398 | |||||
Emma Mærsk Elly Mærsk Estelle Mærsk Eleonora Mærsk Evelyn Mærsk Ebba Mærsk Edith Mærsk Eugen Mærsk | Porte-conteneurs | 397 | |||||
CMA CGM Marco Polo CMA CGM Alexander Von Humboldt CMA CGM Jacques Cartier CMA CGM Jules Verne | Porte-conteneurs | 396 | |||||
MSC Zoe | Porte-conteneurs | 395,4 | |||||
Pioneering Spirit | Offshore | 382 | |||||
TI Oceania TI Asia TI Africa TI Europe | Superpétrolier | 380 | |||||
Esso Carribean Esso Mediterranean | Superpétrolier | 378 | |||||
Gudrun Maersk Gerd Maersk autres navires de série S | Porte-conteneurs | 367 | |||||
Chevron North America David Packard | Superpétrolier | 368 | |||||
Vale Beijing | Minéralier | 361 | |||||
Oasis of the Seas | navire de croisière | 360 | |||||
Albert Maersk Anna Maersk autres navires de série S | Porte-conteneurs | 352 |