La BCE a musclé jeudi son jeu pour soutenir l’économie européenne
La BCE a musclé jeudi son jeu pour soutenir l’économie européenne en abaissant encore ses taux et en prolongeant son programme de rachat de dette, des mesures en-deçà des espérances des marchés prompts à décrier un «pétard mouillé».
L’institution monétaire a une nouvelle fois abaissé son taux de dépôt au jour le jour, de -0,2% à -0,3%. La mesure, qui s’apparente à une augmentation de la pénalité pour les banques qui stockent de l’argent, est destinée à les inciter à prêter, pour stimuler l’activité économique et relancer l’inflation.
Surtout, la BCE a renforcé la puissance de feu de son «bazooka», le surnom de son programme de rachat de dette, en le prolongeant d’au moins six mois, jusqu’en mars 2017, et en incluant dans les 60 milliards d’euros de dette qu’elle rachète tous les mois des titres qui n’y figuraient pas auparavant. D’ici le printemps 2017, elle aura mis 1.500 milliards d’euros sur la table.
Ces annonces, une fois n’est pas coutume, n’ont guère réjoui les marchés financiers, pourtant prompts à bondir à chaque nouvelle intervention des banques centrales.
Les places boursières ont chuté, l’euro est brutalement remonté, les investisseurs semblant trouver les annonces de la BCE trop timorées par rapport à ce qu’ils attendaient. A Paris, le CAC40 a terminé en baisse de 3,58%, comme le Dax à Francfort, Londres a lâché 2,27%.
«Moins de cadeaux»
Les investisseurs attendaient non seulement un prolongement dans le temps du «QE», mais aussi une augmentation des volumes mensuels déboursés. Parlant de «pétard mouillé», les économistes de Royal Bank of Scotland considéraient que «l’absence totale d’agressivité» de la part de Mario Draghi, le président de la BCE, «ne contribuera pas outre mesure à améliorer la crédibilité de la BCE».
«La BCE ne parvient pas à concrétiser les espoirs qu’elle a suscités», a réagi Jonathan Loynes, de Capital Economics. Les marchés font figure «d’enfants gâtés déçus parce qu’ils ont eu moins de cadeaux de Noël et des plus petits que ce qu’ils attendaient», a renchéri Carsten Brzeski, d’ING.
Pour Jörg Krämer, de Commerzbank, «manifestement M. Draghi est confronté à de plus en plus d’opposition» pour ses vélléités d’assouplissement au sein du conseil des gouverneurs, qui prend les décisions de politique monétaire.
Droit dans ses bottes, l’intéressé a pourtant affiché sa confiance dans le bien-fondé de son action.
«Nos décisions renforcent la dynamique de la reprise en zone euro et renforcent sa résistance aux chocs économiques», a assuré l’Italien: «nous en faisons plus parce que ça marche, pas parce que c’est un échec».
A Washington le FMI a appelé la BCE «à utiliser tous les instruments à sa disposition jusqu’à ce que son objectif de stabilité des prix soit atteint»
«Si cela ne suffit pas, nous pouvons continuer», a promis M. Draghi, »(..) nous continuerons à recalibrer encore et encore, si les conditions externes mettent en péril notre objectif» d’une inflation légèrement sous 2%.
Nouvelles prévisions
Les économistes de la banque centrale ont à nouveau jeudi abaissé leurs prévisions d’inflation 2016 et 2017, alors que la zone euro vit sous la menace d’une spirale déflationniste. Lestée par la chute des prix du pétrole, l’inflation n’est à nouveau ressortie qu’à 0,1% en novembre.
Mais même si l’institution «agit de manière plus agressive, cela l’amènera simplement un peu plus près des limites du possible. En définitive, le volume de dette que la BCE peut acheter est limité et il y a aussi un plancher pour les taux d’intérêts», faisait valoir Ulrich Leuchtmann, de Commerzbank.
Par son action, la banque centrale crée une situation inédite pour les marchés financiers alors que la Réserve fédérale américaine s’apprête elle à atténuer son aide à l’économie américaine en remontant ses taux. Les investisseurs parlent déjà de «grande divergence» pour désigner ces politiques monétaires décalées.
Les marchés financiers avaient été perturbés quelques minutes avant l’annonce de la BCE sur ses taux à 12H45 GMT par une information erronée du Financial Times affirmant que les taux resteraient inchangés, provoquant des turbulences en cascades sur les marchés actions, obligataires et des change.