Bertrand Dautzenberg relance le débat sur la dépénalisation du Cannabis
L’affaire de la dépénalisation du cannabis revient sur le devant de la scène avec les propos d’un pneumologue réputé dans la profession. C’est pour cette raison que ses paroles font l’objet d’une réelle écoute.
Le professeur Dautzenberg, ex-président de l’Office français de prévention du tabagisme, met un sacré coup de pied dans la fourmilière, même si sa position n’est pas unanime parmi ses pairs. Alors que 17 millions de Français ont déjà fumé un joint, que les jeunes reconnaissent sans détour en consommer, plus question de se voiler la face et de ne répondre qu’à ce fléau par une interdiction de façade. Les consommateurs sont hors la loi. La peine se traduit le plus souvent par une amende pouvant aller jusqu’à 3 750 € mais l’emprisonnement reste exceptionnel.
Pour Bertrand Dautzenberg, la dépénalisation du cannabis serait intéressante
La France va-t-elle dépénaliser le cannabis dans les prochaines années ? Pour le Dr Bertrand Dautzenberg, ce serait une solution à envisager, car pour cet homme de renom, les différents moyens mis en place par les politiciens n’ont pas le but escompté. Les ministres qui se sont succédé ont tenté de mettre en place diverses mesures pour lutter au maximum contre ces substances illicites qui semblent malgré tout prendre de l’ampleur sur le sol français. C’est dans le cadre d’un congrès de pneumologie qu’il a évoqué son avis sur l’interdiction de ce stupéfiant.
Lutter plus efficacement contre la consommation du cannabis
Pour rappel, le cannabis est à l’origine d’une dépendance chez certains sujets et des études ont montré que cette substance avait un impact sur le cerveau qu’il ne fallait pas négliger. Dans tous les cas, ce pneumologue qui exerce à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière situé à Paris affirme que la législation doit être plus souple à l’avenir. Selon lui, l’interdiction aurait tendance à favoriser la consommation et il a pris l’exemple de l’alcool frelaté pour illustrer sa déclaration. Ce professionnel de la Santé est convaincu que la dépénalisation du cannabis pourrait supprimer un attrait et réduire ainsi la consommation qui ne cesse de prendre de l’ampleur chez les plus jeunes.
Il reste quand même contre la consommation du cannabis
De plus, le cannabis a tendance à transporter les fumeurs vers d’autres drogues qui accentuent les dégâts sur le cerveau et la santé d’une manière générale. Dans une interview accordée en exclusivité au Parisien, le Dr Bertrand Dautzenberg affirme qu’il n’est pas pour le cannabis ou le tabac, il est même contre ces deux substances, mais il estime que cette méthode permettrait « de sortir de quelque chose d’encore plus dangereux ».
En dépénalisant le cannabis, la vente et la consommation seraient-elles susceptibles d’être moins élevées ? Difficile d’apporter une réponse, mais il faut noter que depuis plusieurs années, le marché français a été envahi par des substances de plus en plus fortes avec du cannabis parfois coupé à l’aide de produits toxiques.
L’étude de deux députés pointe l’échec des mesures contre la consommation de stupéfiants
Il faut changer la loi de 1970 pénalisant l’usage de cannabis : c’est ce que préconisent deux députés, auteurs d’un rapport sur les drogues illicites dans lequel ils actent l’échec de la politique de prohibition, suivie depuis quatre décennies. Mais ils divergent sur la conduite à tenir : pour l’UMP Laurent Marcangeli (Corse-du-Sud), il convient de punir l’usage d’une simple contravention. Pour la PS Anne-Yvonne Le Dain, une légalisation s’impose dans l’espace privé, avec «une offre réglementée du produit sous le contrôle de l’Etat».
«Pas une vente libre, dit-elle, car ce n’est pas un produit banal, mais dangereux.» Simplement, pour la députée de l’Hérault, c’est «une réalité» dont certains Etats «ont pris acte», comme le Colorado ou l’Etat de Washington, en autorisant la vente du cannabis. «On est face à quelque chose qui explose et on n’arrêtera pas l’explosion», argumente-t-elle, rappelant que la consommation en France est l’une des plus élevées en Europe – elle génère un chiffre d’affaires de plus de 1 milliard d’euros. La députée imagine que si le marché officiel en captait 60%, une imposition de 20% ferait entrer dans les caisses de l’Etat 120 millions par an, à consacrer à la prévention ou aux soins.
«Omerta»
Anne-Yvonne Le Dain sait qu’avec ce genre de proposition, déjà exprimée par son collègue socialiste Daniel Vaillant, le débat en France se termine généralement «par des portes qui se ferment». Mais elle veut sortir «de l’interdiction et de l’omerta qui empêchent toute maturation sociale». Et elle rappelle que la répression, bien qu’en augmentation constante, ne règle rien : 153 000 interpellations pour usage de cannabis l’an dernier, et toujours autant de consommateurs. Avec une réponse pénale qui diffère selon les régions. Le rapport présenté jeudi lâche ici une info : à partir de quelle quantité de cannabis est-on poursuivi ? Cela varie de 20 g en zones rurales à 50 g en région parisienne, disparité «qui heurte les rapporteurs».
Le rapport dénonce aussi les «carences» en matière de prévention chez les adultes (avec une forte différence selon le territoire) et en milieu scolaire, «où il semble difficile de percevoir l’usage et la répartition des 274 millions d’euros» consacrés. Les deux députés suggèrent d’évaluer cette prévention, ainsi que de la rendre obligatoire dans les programmes. Histoire de sortir de cette triste réalité française : on fait de la répression inutile et coûteuse (850 millions par an), et on est mauvais en prévention.