CAC 40 : EDF paye les conséquences de nombreuses incertitudes
La sortie d’EDF du CAC 40, indice phare de la Bourse de Paris, est révélatrice des nombreuses incertitudes autour du géant hexagonal de l’énergie, détenu majoritairement par l’Etat français qui, selon certains observateurs, n’est pas totalement étranger à sa déroute.
EDF, qui restera coté, a longtemps compté parmi les champions du CAC 40, se hissant même sur la première marche du podium des plus grosses capitalisations de la place de Paris entre 2007 et 2008.
Aujourd’hui, dix ans après son introduction en Bourse, l’atterrissage est rude: à moins de 13 euros, le titre a perdu environ 60% de sa valeur par rapport à son prix d’introduction (32 euros), et même plus de 85% depuis son plus haut en novembre 2007.
La sanction, pour partie déjà anticipée par les marchés, est tombée lundi soir: faute d’un capital flottant (négociable en Bourse) suffisant, le géant de l’électricité devra céder sa place, le 21 décembre, à la foncière Klépierre dans le CAC 40, a tranché le Conseil scientifique des indices d’Euronext.
Cette décision « ne doit pas être vécue comme un traumatisme en soi », a commenté à l’Assemblée nationale le ministre de l’Economie Emmanuel Macron, ajoutant qu' »il n’y a pas de raison d’y voir une perte statutaire » de l’entreprise, dont l’Etat est l’actionnaire majoritaire.
« C’est le révélateur de grandes incertitudes qui nous entourent, et le marché a horreur des incertitudes », explique une source proche d’EDF à l’AFP.
Comment le groupe va-t-il financer son grand carénage, à savoir la maintenance lourde de ses 58 réacteurs nucléaires français, estimée à quelque 55 milliards d’euros d’ici à 2025? Comment lever les doutes sur la faisabilité du nouveau réacteur EPR en chantier à Flamanville (Manche), qui accumule surcoûts et retards? Comment supporter le risque industriel lié à la construction prévue de deux autres EPR à Hinkley Point (Angleterre)? Quelle sera la capacité d’EDF à intégrer l’activité réacteurs d’Areva en cours d’acquisition dans le cadre de la refonte de la filière nucléaire française? Combien coûtera le démantèlement de centrales?
« Beaucoup d’incertitudes, donc, autour de tous les métiers du nucléaire, dans un environnement de prix de marché très bas et d’une régulation qui nous est défavorable », sur fond de consommation électrique atone, résume la même source.
– Concurrence accrue –
L’Etat français, notamment, est montré du doigt. Avec une participation de 84,5%, il lui est reproché d’être trop gourmand en dividendes et de prendre des décisions politiques au détriment de l’intérêt économique de l’énergéticien.
« Nous avons besoin d’actionnaires qui ne pensent qu’en actionnaires », soulignait récemment le directeur financier d’EDF, Thomas Piquemal, dans le journal Le Monde.
Le gouvernement avait par exemple décidé ne pas appliquer une hausse de 5% des tarifs réglementés de l’électricité prévue en août 2014 afin de préserver le pouvoir d’achat des consommateurs, et pourtant nécessaire pour permettre à EDF de couvrir ses coûts croissants.
« Les exigences erratiques et contradictoires de l’État dans sa triple fonction de législateur, de régulateur et d’actionnaire, mènent EDF à des difficultés de plus en plus grandes et interpellent sur le but poursuivi par le gouvernement, qui ne cesse de fragiliser le groupe », dénonce FO Energies et Mines dans un communiqué.
Autre coup dur pour EDF, la disparition des tarifs réglementés pour les clients professionnels début 2016, qui l’exposera inévitablement à plus de concurrence en France, son principal marché.
En 2014, son bénéfice net s’est élevé à 3,7 milliards d’euros pour un chiffre d’affaires de 72,9 milliards, mais le groupe a dû débourser 4 milliards de plus que ses recettes.
« Le problème, ce n’est pas le résultat net, c’est les projets qu’il n’arrive pas à tenir et le bilan », souligne Juan Camilo Rodriguez, analyste chez AlphaValue, en référence à l’importante dette du groupe (37,5 milliards d’euros à fin juin).
Face à ses contraintes financières, EDF pourrait céder plus de 10 milliards d’euros d’actifs, ce qui « limite les investissements de croissance », selon lui.
Contre vents et marées, l’énergéticien continue de tabler sur un flux de trésorerie libre positif après dividende en 2018.
« Le groupe, présent dans le quotidien de 25 millions de français, est un atout majeur pour l’économie du pays et un énergéticien de référence en Europe », relativise ce dernier.