Cancer de la prostate : la question de l’utilité du dépistage se pose
Généralement, le monde médical conseille fortement le dépistage, car, traiter au plus tôt une maladie, c’est accroître le taux de survie. Pour le cancer de la prostate, le discours n’est pas le même.
De l’ordre de 25.000 par an en 2009 et 2011, les prostatectomies (ablations de la prostate) ont chuté à 21.800 en 2012 pour atteindre 19.600 en 2014, précise l’étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l’Institut de veille sanitaire (InVS).
Réalisée par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) et des médecins de l’Association française d’urologie, l’étude révèle également une baisse des dosages annuels du PSA (prostate specific antigen) chez les hommes de plus de 40 ans – qui sont passés de 30% en 2009 à 27% en 2014 – tandis que les biopsies ne concernent plus que 40.000 hommes en 2014 contre 60.000 en 2009.
Un dépistage susceptible d’entraîner un sur-traitement
Pour de nombreuses maladies, les professionnels de la Santé ne cessent d’informer les Français. Ces derniers doivent suivre régulièrement les directives en matière de dépistage pour accroître les chances de guérison. En effet, en prenant la maladie dès le premier stade, il sera plus facile de l’éradiquer. Toutefois, nous apprenons que le discours pour le cancer de la prostate n’est pas identique. Le dépistage aurait tendance à être accompagné d’un risque de sur-traitement. Il ne comporterait donc pas autant de bénéfices que prévu.
Mieux informer et moins dépister le cancer de la prostate ?
La question de l’utilité se pose, la réponse de l’Assurance maladie et de l’Institut national du cancer est très simple. Ce dépistage comporterait plus de risques, mais la décision d’un tel dépistage demande une réelle réflexion. Dès 50 ans, les hommes doivent être informés des risques encourus par rapport à la prostate, mais il serait inutile d’opter pour le diagnostic sans quelques informations au préalable. Ce ne sont pas les seuls qui doivent être informés de la situation, l’Institut national du cancer estime que les médecins sont eux aussi invités à se documenter sur le rapport risque/bénéfice du dépistage du cancer de la prostate.
Les désagréments du traitement du cancer de la prostate
Cette version des faits est assez surprenante puisqu’elle va à l’encontre de celle transmise par les urologues. Cette affaire est de ce fait complexe, car si les professionnels de la Santé ne peuvent pas renseigner les patients, qui pourra le faire ? L’Assurance maladie et l’Inca sont conscients de ce contexte flou, ils ont donc proposé des brochures. Elles visent à renseigner toutes les parties dans le but d’effectuer le choix le plus judicieux. Les hommes pourront également connaitre les différentes méthodes de dépistage : le dosage du PSA et le toucher rectal. Si les premières analyses sont positives, il est indispensable d’effectuer une biopsie. Le patient subit ainsi une anesthésie locale, les médecins procèdent au prélèvement d’un échantillon de la prostate.
En parallèle, les traitements sont également nocifs, car ils comportent plusieurs effets secondaires, dont des troubles de l’érection. C’est pour cette raison que le sur-traitement n’est pas une bonne idée surtout lorsque l’on apprend qu’il s’agit d’un cancer latent qui ne nécessite pas forcément un soin.
10 à 20% des cancers de la prostate détectés à un stade précoce étaient sur-traités en France
La forte hausse des nouveaux cas jusqu’à la fin des années 2000 est attribuée par les autorités sanitaires à un développement rapide des dosages de PSA et des biopsies qui ont conduit à diagnostiquer un nombre accru de petits cancers chez des hommes très âgés.
Ces derniers ont été opérés alors même qu’ils n’auraient probablement eu aucun symptôme de leur vivant, le cancer de la prostate pouvant mettre une dizaine d’années en moyenne pour se développer.
En 2013, une étude de l’Inserm avait estimé qu’entre 10 à 20% des cancers de la prostate détectés à un stade précoce étaient sur-traités en France, soit 3.000 à 5.000 hommes au total, traités par chirurgie ou radiothérapie, avec des effets secondaires incluant l’impuissance ou l’incontinence.
Dans leur étude, les chercheurs reconnaissent qu’une “évolution des pratiques visant à limiter le sur-diagnostic et le sur-traitement semble amorcée” aujourd’hui, en dépit de résultats encore limités pour le test PSA.
Mais ils observent également un recours de plus en plus important aux IRM depuis le début des années 2010, alors que la place de cette imagerie “doit encore être évaluée”.