Dilma Rousseff perd la première bataille contre sa destitution
La présidente brésilienne de gauche Dilma Rousseff a perdu mardi à l’Assemblée la première bataille sur sa destitution, quelques heures après avoir essuyé les critiques de son vice-président Michel Temer, qui lui succèdera si elle est finalement écartée.
A l’issue d’une séance houleuse, les députés de droite, alliés à des dissidents de la majorité gouvernementale, ont remporté une majorité de sièges au sein de la Commission spéciale qui sera chargée d’examiner la demande de destitution.
Les anti-Rousseff ont obtenu une majorité de 39 députés au sein de cette commission qui en comptera 65. Par 272 voix contre 199, ils ont ainsi fait barrage au camp gouvernemental qui proposait une liste beaucoup plus favorable à la présidente.
Mme Rousseff, accusée de maquillage des comptes publics en 2014 et 2015, a dénoncé la semaine dernière une tentative de « coup d’Etat » institutionnel « sans aucun fondement » juridique, ourdie par une opposition n’ayant pas digéré sa défaite électorale de 2014.
L’héritière politique de l’ex-président Lula est embourbée depuis le début de son second mandat, en janvier, dans la triple crise qui ébranle le géant d’Amérique latine: économique, politique, et morale, avec les rebondissements en cascade du scandale de corruption autour du groupe national pétrolier Petrobras.
Urnes cassées
Sa popularité s’est effondrée sous la barre des 10% et son camp s’est fissuré de toutes parts, sous l’impulsion de son adversaire juré, le controversé président du Congrès des députés Eduardo Cunha, qui a donné la semaine dernière son feu vert à la procédure d’impeachment.
Ce député évangélique et ultra-conservateur, chef de file de l’aile dissidente du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB centre), a déclenché mardi la fureur des députés pro-Rousseff en décrétant que le vote serait « secret ».
La séance s’est déroulée dans un climat d’extrême tension. Des députés pro-Rousseff ont même cassé des urnes électroniques pour protester contre le vote à bulletins secrets.
M. Cunha est lui-même visé par une procédure disciplinaire devant la Commission d’éthique de la chambre basse pour son implication présumée dans le vaste scandale de corruption Petrobras.
La présidente disposera ensuite d’un délai de dix sessions parlementaires pour présenter sa défense. La Commission spéciale aura alors cinq sessions pour approuver un rapport préconisant ou non sa destitution.
Ce rapport sera ensuite soumis à l’assemblée plénière du Congrès des députés. Deux tiers des votes (342 sur 513) seront nécessaires pour prononcer la mise en accusation de la présidente devant le Sénat. Dans le cas contraire, la procédure avorterait sans recours possible.
Le calendrier de cette procédure est encore inconnu, car il va grandement dépendre de l’annulation ou non des vacances parlementaires officiellement prévues du 22 décembre au 1er février.
« Il est trop tôt pour dire si c’est le début de la fin de Mme Rousseff », a commenté pour l’AFP Michael Mohallen, professeur de droit à la Fondation Getulio Vargas après le vote de l’Assemblée.
« D’un côté on a assisté à une démonstration de force inattendue du président de la chambre, Eduardo Cunha, alors qu’on pensait que c’était un mort vivant. De l’autre, on a vu qu’il y avait un nombre raisonnable de voix en faveur du gouvernement: 199 quand il en faudra 171 pour classer la procédure de destitution ».
Sur le papier, Mme Rousseff semble en effet disposer d’un nombre suffisant de voix pour remporter la bataille finale et éviter sa mise en accusation devant le Sénat.
Mais elle aura besoin pour cela de rassembler un maximum de votes de députés du PMDB, l’arbitre des majorités parlementaires depuis deux décennies, qui est fortement divisé sur la question.
– ‘Défiance’ –
Dilma Rousseff espérait pouvoir compter sur le soutien du président du PMDB, son vice-président Michel Temer, 75 ans, silencieux depuis le lancement de la procédure de destitution.
La publication par la presse tard lundi soir d’une « lettre personnelle » pleine d’amertume de Temer à Rousseff a ruiné ces espérances.
M. Temer s’y plaint d’avoir été traité en « vice-président décoratif », et de la « défiance » de la présidente et du Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir envers lui et sa propre formation.
Or en cas d’éviction de Rousseff, c’est lui qui deviendrait président par intérim jusqu’en 2018.