L’Europe fait une indigestion de Nutriscore
Après des années de polémiques, la généralisation du label d'étiquetage alimentaire pourrait être abandonnée par les autorités européennes. Reste à savoir quel système remplacera le logo promu par la France.
Surprise : manger au fast-food n’est pas bon pour la santé. Au cas où certains en douteraient encore, l’association de défense des consommateurs CLCV vient de publier une nouvelle enquête dans laquelle elle se penche sur les fameux « menus enfants » proposés par les McDonald’s, Quick, KFC et autres Burger King. Trop gras, trop salés, trop riches en calories, peu nutritionnels… : ces menus prisés des adolescents « peuvent culminer à près de 1 800 kilocalories, soit 80% des besoins journaliers d’un adulte », s’insurge l’association, qui n’hésite pas à les qualifier de véritables « bombes caloriques ».
De plus, si certaines enseignes de la restauration rapide ont choisi de faire figurer le Nutriscore sur leurs produits, « l’information des consommateurs sur les données nutritionnelles est encore trop partielle et peu visible », regrette CLCV, selon qui « le logo n’est pas visible à proximité des produits lors de la commande et nécessite de cliquer sur un onglet spécifique », voire de se rendre sur Internet pour le consulter. Une recommandation qui pourrait s’avérer inutile, le Nutriscore étant peut-être sur le point d’être abandonné comme indicateur nutritionnel commun pour les vingt-sept pays de l’Union européenne (UE).
Bruxelles aurait fait son choix
C’est du moins ce que croit savoir une autre association de consommateurs, l’UFC-Que-choisir, qui s’appuie sur les déclarations d’une fonctionnaire de la Commission européenne. Claire Bury aurait ainsi déclaré en septembre dernier que Bruxelles, qui devait initialement généraliser un système d’étiquetage alimentaire avant fin 2022, aurait renoncé à imposer le Nutriscore pour lui préférer un autre label – et ce, afin « d’éviter la polarisation du débat ». D’ores et déjà adopté dans sept pays membres de l’UE, dont la France, qui est à l’origine du projet, le Nutriscore pourrait donc vivre ses derniers jours sur nos emballages alimentaires.
Pourquoi un tel renoncement ? Sans être dénué d’intérêt ni d’atouts, le Nutriscore n’a véritablement jamais su se défendre face aux nombreuses critiques qui lui ont été adressées depuis son lancement. Avec son algorithme trop simpliste pour les uns, trop opaque pour les autres, le label s’est surtout attiré les foudres des pays méditerranéens, dont les produits gastronomiques – fromages, charcuterie, huile d’olive, etc. – étaient trop souvent mal notés. Et ce alors que les industriels de la malbouffe avaient, eux, tout loisir de modifier à la marge leurs recettes de plats hyper-transformés pour décrocher un « A » ou un « B ».
Autant d’arguments qu’a peu ou prou repris le nouveau ministre italien de l’Agriculture lors d’un récent sommet avec ses homologues européens. Faisant du Nutriscore le cœur de sa première intervention devant ses collègues, Francesco Lollobrigida s’est emporté contre ces outils qui, selon lui, « ne donnent pas suffisamment d’informations et qui sont même dangereux du point de vue du conditionnement du consommateur ». « Un simple code couleur ne suffit pas », a encore lancé le ministre de Giorgia Meloni, invitant la Commission à proposer « un système plus détaillé et plus clair pour informer les consommateurs de ce qu’ils mangent ».
Vers une évolution du Nutriscore ?
Attaqué de toutes parts, le Nutriscore pourrait donc bien ne pas passer l’hiver. Les technocrates de Bruxelles lui préfèreront-ils le Nutrinform, le système italien que Rome juge plus nuancé dans la lutte contre la junk food ? A moins que les concepteurs du Nutriscore n’acceptent de revoir leur copie : un nouveau calcul de l’indice serait dans les cartons, sanctionnant les plats préparés et céréales sucrées mais ménageant les poissons gras, les huiles, les céréales complètes et certains fromages. De quoi faire passer de meilleures fêtes de Noël aux producteurs de parmesan, de Roquefort et d’autres spécialités de nos terroirs.