Prison et santé mentale : Les détenus psychiatriques vivent une double peine
La France a été pointée du doigt par un rapport dévoilé par une ONG. Lorsque les détenus souffrent de troubles psychiatriques, ils n’auraient pas accès à des soins. Les prises en charge ne sont donc pas optimisées.
113 suicides ont été référencés au cours de l’année dernière
50 détenus français ont accepté de collaborer pour cette étude focalisée sur la gestion des troubles psychiatriques en prison. Les conclusions ne sont pas celles escomptées, mais elles ne sont pas véritablement surprenantes. Un réel mal-être s’installe derrière les barreaux et cela peut avoir des conséquences désastreuses sur la santé. Les internautes ont été nombreux à réagir après la publication de cette étude. Il est important de noter que 113 suicides ont été référencés au cours de l’année dernière. Récemment, le directeur d’une école de Villefontaine a mis fin à ses jours par pendaison. Il était soupçonné d’avoir abusé d’une soixantaine d’enfants au fil de ses missions dans le département.
Les prises en charge des troubles psychiatriques ne sont pas vraiment au rendez-vous
Human Rights Watch est le nom de cette ONG qui a souhaité baptiser son enquête « Double Peine ». Le titre reflète parfaitement la seconde sanction dont les détenus français sont victimes, car les prises en charge des troubles psychiatriques ne sont pas vraiment au rendez-vous. Les conséquences sont nombreuses puisque par rapport à la population française, le risque de se suicider est multiplié par sept. Il est important de spécifier que toutes les prisons ont à leur disposition une unité médicale, mais les professionnels de la santé ne sont pas souvent au rendez-vous. Au vu de l’enquête menée sur 188 établissements situés sur le sol français, seulement 26 proposent un SMPR (Service Medico Psychologique Régional).
Des consultations qui s’articulent autour de la prescription de médicaments
Les détenus français n’ont pas la possibilité de prendre un rendez-vous puisque les spécialistes sont absents des locaux. Généralement, lorsqu’ils sont présents, les consultations sont assez simples puisqu’elles s’articulent autour de la prescription de médicaments. Les prisons peuvent toutefois décider d’un transfert dès que l’état de santé se dégrade. Deux cas de figure sont ainsi identifiés par l’ONG, le premier consiste à placer le détenu à l’isolement alors que la seconde permet un transfert vers un établissement psychiatrique. Au cours de cette étude, l’ONG a pu discuter avec les prisonniers, certains propos sont d’ailleurs relayés comme ceux d’une femme. Elle préfère rester dans sa cellule, car, à l’isolement, les pieds et les bras sont attachés. Elle a l’impression d’être considérée comme un animal.
Des conditions de détention qui ne tiennent pas compte du handicap des malades
Cité dans le rapport, l’ancien contrôleur des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, évalue à quelque 17.000 le nombre de détenus (sur 67.000 sous écrou) ayant « une pathologie mentale grave ».
HRW pointe « un nombre disproportionné » de détenus présentant des troubles mentaux dans les prisons françaises, en partie expliqué par le fait que « l’altération du discernement », potentielle circonstance atténuante, « joue souvent contre des détenus perçus comme plus dangereux que les autres ».
L’ONG relève les efforts du législateur, avec en août 2014 une modification de la loi (article 122-1 du code pénal) qui permet désormais à un prévenu « affecté par une pathologie mentale au moment du crime de voir sa peine réduite d’un tiers », mais souligne des écueils persistants concernant les conditions de détention qui « ne tiennent pas compte de leur handicap » en « violation de leurs droits ».
Le rapport recommande aux ministères de la Justice et de la Santé de mener une « nouvelle étude sur la santé mentale » des détenus, de « proposer une prise en charge plus adaptée » et de « ne pas placer en isolement » ces détenus fragiles.