Prostitution: Paris franchit le pas de la pénalisation des clients
Après de vifs débats et un marathon parlementaire de près de deux ans et demi, la France a voté mercredi la pénalisation des clients de prostituées. Il en coûtera 1635 francs aux contrevenants, plus en cas de récidive. Un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution est également prévu.
L’interdiction de « l’achat d’actes sexuels »
La France a rejoint mercredi le camp des pays européens sanctionnant les clients de prostituées. Cette mesure à l’efficacité incertaine a fait l’objet de vifs débats et divise la classe politique comme les associations d’aide aux prostituées.
En vertu d’un texte auquel les députés ont donné leur feu vert définitif, les contrevenants à l’interdiction de « l’achat d’actes sexuels » seront à l’avenir passibles d’une amende de 1500 euros (1635 francs), pouvant grimper à 3750 euros en cas de récidive.
Une peine complémentaire, elle aussi inédite, pourra être prononcée, sous la forme d’un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution.
Avant le vote, une soixantaine de prostituées s’étaient réunies aux abords de l’Assemblée nationale derrière une banderole proclamant : « Putes aux poings levés contre la pénalisation des clients ». Certaines scandaient « clients pénalisés, putes assassinées ».
Cinquième pays
Tous les pays européens punissent le proxénétisme, mais la France n’est que le cinquième à franchir le cap d’une législation sanctionnant aussi les clients de prostituées, après la Suède, pionnière dès 1999, la Norvège, l’Islande et le Royaume- Uni. En arriver là n’a pas été une mince affaire, avec un épique marathon parlementaire de près de deux ans et demi jusqu’au vote de mercredi.
Selon les estimations officielles, la France compte entre 30’000 et 40’000 prostitué(e)s, dont une majorité d’étrangères, originaires d’Europe de l’Est, d’Afrique, de Chine et d’Amérique latine.
Vifs débats
Les deux chambres du Parlement n’ont jamais réussi à s’entendre sur la sanction des clients depuis les premiers débats fin 2013: à trois reprises, l’Assemblée nationale, contrôlée par la gauche, l’a votée mais le Sénat, majoritairement de droite, l’a retoquée. C’est faute d’un accord sur un texte commun que le dernier mot revient aujourd’hui aux députés.
Mais pour ses partisans, la pénalisation des clients doit aider à dissuader la demande et considérer les prostituées « comme des victimes et non plus comme des délinquantes », selon la députée socialiste Maud Olivier, à l’origine du texte. Pour ses détracteurs, sanctionner les clients « va mettre en danger les travailleuses du sexe », qui seront plus isolées, critique à l’inverse Sarah-Marie Maffesoli, de l’ONG Médecins du monde.