Education : Les enfants athées plus généreux que les enfants croyants ?
La religion laisse penser que la générosité est une qualité inévitable, mais une étude prône le contraire. Les enfants issus d’une famille athée auraient tendance à être plus altruistes que ceux qui ont reçu une éducation religieuse, chrétienne ou musulmane.
Une étude pour évaluer l’altruisme des enfants
Cette enquête baptisée « L’association négative entre religiosité et altruisme chez les enfants à travers le monde » a fait l’objet d’une publication dans la revue Current Biology. Dans six pays, 1170 enfants ont été suivis et ils ont participé à divers tests. Ils consistaient à évaluer le degré de générosité lorsqu’ils se trouvaient dans diverses solutions. Dans un premier temps, ils regardaient des vidéos où la méchanceté était parfois au rendez-vous. Ils étaient ensuite invités à répondre à des questions concernant la réaction à avoir en présence d’un tel comportement.
Les athées et les musulmans sont les moins généreux
Cette première phase a montré que les enfants musulmans réagissaient fortement en précisant que la punition devait être prononcée même si un geste déplacé était involontaire. Au cours d’un second jeu, les enfants devaient prendre des autocollants, mais il n’y en avait pas pour tous les participants. Ils avaient toutefois la possibilité d’en laisser et de les répartir. Dans ce cas de figure, la tendance s’inverse, car les enfants issus d’une famille religieuse étaient moins généreux que ceux qui étaient athées. Les enfants musulmans faisaient même preuve de moins d’altruisme envers les autres.
« Jeu du Dictateur »
La seconde partie avait pour but de déterminer l’altruisme et la générosité selon la religion, au moyen d’une expérience inventée par des économistes et intitulée « le jeu du dictateur ».
Sur une table sont disposés trente autocollants. L’examinateur explique à l’enfant qu’il peut en prendre 10 au maximum. S’il le fait, cependant, lui dit-on, il n’y en aura pas assez pour tous les autres enfants. On lui suggère donc, s’il le souhaite, de prendre moins d’autocollants pour en laisser aux autres.
Ces consignes données, l’enfant est laissé seul dans la pièce pour se servir. Résultats : les enfants sans religion laissent en moyenne 4,1 autocollants pour les autres, tandis que les chrétiens n’en cèdent que 3,3 et les petits musulmans 3,2.
Une différence que Jean Decety explique au Monde par un mécanisme de « licence morale », suivant lequel les enfants, considérant leur religion comme un gage permanent de bonté, s’autoriseraient « inconsciemment »un plus grand égoïsme dans les détails de la vie quotidienne.
La religion néfaste pour le développement moral ?
Les auteurs de l’étude ont ainsi pu constater que les résultats vont à l’encontre des idées populaires qui assimilent générosité et religion. Ils s’interrogent même sur « la nécessité de la religion pour le développement moral », car elle n’aurait pas un impact positif par rapport à la relation avec autrui.
Benny Beit-Hallahmi estime que les chercheurs qui traquent l’avantage évolutif offert par la religion se fourvoient : « la coopération sociale, observée chez d’autres animaux, est un comportement tellement élémentaire qu’elle n’a pas besoin de substrat moral. Le vrai enjeu moral, c’est de faire le bien envers autrui, quel qu’il soit, indépendamment de la crainte d’être puni dans l’au-delà. » Une exigence apparue selon lui récemment dans l’histoire du monde, incarnée par des organisations séculières, « universalistes », comme Médecins sans frontière. « Il y a un siècle, rappelle-t-il, faute d’athées, une telle étude comparative aurait été impossible. »
Aujourd’hui, 5,8 milliards d’humains, soit 84 % de la population de la planète, s’identifient comme croyants, rappellent Jean Decety et ses collègues.