Le pape François dit comprendre les “peurs” liées aux migrants
Le pape François a assuré samedi comprendre les craintes suscitées en Europe par l’arrivée massive de migrants ces dernières années, lors d’une conférence de presse dans l’avion qui le ramenait de l’île grecque de Lesbos.
“Je comprends les peuples qui ont une certaine peur, je le comprends. Nous devons avoir une grande responsabilité dans l’accueil”, a déclaré le pontife argentin, à l’issue de sa visite éclair “de solidarité” auprès des migrants et des Grecs.
Douze réfugiés syriens, dont six mineurs, l’accompagnaient dans l’avion le ramenant au Vatican, où ils seront hébergés. Il s’agit de trois familles musulmanes, dont les “maisons ont été bombardées”, l’une venant d’une zone occupée par l’Etat islamique (EI), a précisé le Vatican.
Après avoir répété pendant la journée que l’Europe devait accueillir les migrants du camp de Moria, pourtant voués au renvoi selon les termes de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, il s’est cependant refusé à commenter directement l’accord.
“Je ne fais pas de spéculation politique, cet accord, je ne le connais pas”, a-t-il assuré.
Il a préféré mettre l’accent sur l’importance de l’intégration: “Bâtir des murs n’est pas une solution (…). Il faut faire des ponts, mais faire des ponts intelligemment, avec le dialogue, le travail”.
“Aujourd’hui, il y a des ghettos. Certains terroristes sont fils et petits-fils du pays (qu’ils ont frappé, ndlr), de l’Europe. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Il n’y a pas eu de politique d’intégration. L’Europe doit retrouver cette capacité d’intégration qu’elle a toujours eue”, a plaidé Jorge Bergoglio.
Interrogé sur son refus de faire la distinction, contrairement au droit international, entre ceux qui fuient des violences et ceux qui fuient la misère, il a assuré que tous étaient “victimes de l’exploitation”: exploitation de la terre et de l’économie pour certains, exploitation des tensions par les trafiquants d’armes pour d’autres.
“Je conseillerais à ces trafiquants de venir passer une journée dans ce camp (de Moria). Je pense que ce serait salutaire”, a-t-il déclaré.
Il a également montré à la presse des dessins que lui ont donné des enfants du camp, montrant pour l’un une colombe apportant la paix, pour d’autre un grand bateau souriant arrivant au secours d’une barque en train de sombrer.
“Cela a été une journée très forte”, a insisté le pape, visiblement marqué par ses échanges avec les migrants.
Le pape ramène 12 réfugiés au Vatican
Le pape François a réalisé samedi un coup d’éclat en ramenant de l’île grecque de Lesbos trois familles de réfugiés syriens musulmans, invités à démarrer une nouvelle vie sous l’aile du Vatican.
“C’est une goutte d’eau dans la mer, mais après cette goutte, la mer ne sera plus jamais la même”, a expliqué le pape à la presse pendant le vol du retour, en citant mère Teresa de Calcutta.
Les 12 Syriens se sont faufilés rapidement sur la passerelle de l’avion, quand le pape saluait encore ses hôtes sur le tarmac de l’aéroport de Mytilène, le chef-lieu de l’île.
Aucune raison de se cacher pourtant, tous leurs papiers sont en règle, les autorités grecques et italiennes étant parfaitement informées de la démarche, a assuré le pontife argentin.
Il a expliqué que l’idée de ce “geste humanitaire” lui avait été soufflée par un collaborateur il y a une semaine: “J’ai dit oui tout de suite. J’ai entendu que cela venait de l’Esprit Saint”.
Et selon lui, la religion des intéressés n’est pas entrée en ligne de compte: “Je n’ai pas fait de choix entre chrétiens et musulmans. Ces trois familles avaient leurs papiers en règle et ça pouvait se faire”.
“Il y avait deux familles chrétiennes mais leurs papiers n’étaient pas prêts. (La religion) n’est pas une dérogation. Tous les réfugiés sont fils de Dieu”, a-t-il insisté.
Pendant le vol, les Syriens sont restés discrets, à l’avant de l’avion, séparés de la presse par un rideau. Une mère portant le voile est seulement passée, tout sourire mais sans dire un mot, pour accompagner ses deux enfants aux toilettes.
A l’arrivée, le pape est descendu en premier puis il a attendu ses invités pour les accueillir lui-même à Rome, saluant chacun avec un grand sourire et bénissant les enfants.
Méfiance envers les musulmans
Ils sont désormais “les hôtes du Vatican” a expliqué François à la presse. La communauté Sant’Egidio va fournir un soutien logistique au début, puis ils rejoindront les deux familles syriennes – chrétiennes celles-là – accueillies par les deux paroisses du Vatican.
A l’automne, le pape avait en effet demandé à chaque paroisse d’Europe d’accueillir une famille de réfugiés, un appel resté souvent lettre morte.
Avec ses nouveaux hôtes, qui bénéficient d’un visa humanitaire et devraient déposer prochainement une demande d’asile auprès des autorités italiennes, le Vatican compte désormais une vingtaine de réfugiés pour moins de 1.000 habitants. Si les 300 millions d’Européens faisaient de même, ils accueilleraient 6 millions de personnes.
Les trois familles étaient arrivées en Grèce avant le 20 mars et l’entrée en vigueur de l’accord entre l’Union européenne et Ankara, qui prévoit notamment le renvoi vers la Turquie de tous les migrants débarquant en Grèce.
Deux d’entre elles sont originaires de Damas et la troisième de Deir Ezor, dans les territoires occupés par l’organisation Etat islamique (EI), a ajouté le Vatican, précisant que leurs maisons avaient été bombardées.
Le pape François a effectué samedi une visite de quelques heures sur Lesbos, porte d’entrée des migrants en Europe, pour marteler un message d’accueil et de solidarité qui peine toujours à passer en Europe.
Accompagné par le patriarche de Constantinople Bartholomée et Ieronymos, l’archevêque orthodoxe d’Athènes et de toute la Grèce, le pape a passé plusieurs heures dans le camp de Moria, symbole du durcissement européen en cours.
“Cela a été une journée très forte”, a-t-il raconté dans l’avion, visiblement marqué, avant de montrer les dessins d’angoisses et d’espoirs que les enfants du camp lui avaient donnés.