La France « en guerre » après 129 morts dans des attentats jihadistes
Une enquête hors norme a été engagée pour identifier les auteurs des attentats les plus meurtriers jamais commis en France, un « acte de guerre » au coeur de Paris revendiqué par le groupe jihadiste État islamique (EI), qui a fait au moins 129 morts.
Pour François Hollande, qui a décrété deux mesures exceptionnelles – un deuil national de trois jours, jusqu’à mardi, et l’état d’urgence, sans doute pour plus de 12 jours -, les attaques de vendredi soir à Paris sont un « acte de guerre ».
Pour la première fois en France, des kamikazes ont frappé. Et contrairement aux derniers attentats, les jihadistes ont ouvert le feu de façon indiscriminée, cherchant à tuer en masse. La France est « en guerre » et poursuivra ses frappes en Syrie « avec la volonté (…) d’anéantir » l’EI, a insisté le Premier ministre Manuel Valls.
Sept assaillants sont morts, tous après l’explosion de leur ceinture piégée, a précisé le procureur de Paris François Molins, au terme de six attaques menées « très vraisemblablement » par « trois équipes de terroristes coordonnées » ciblant les spectateurs d’un concert de rock au Bataclan, des consommateurs à des terrasses de cafés et restaurants du centre de la capitale et près du Stade de France, au nord de Paris.
Le bilan est sans précédent: au moins 129 morts, outre les assaillants, et 352 blessés, dont 99 en « urgence absolue », selon le procureur. Le groupe EI (Daech) a revendiqué ces attentats, affirmant que « huit frères portant des ceintures explosives et armés de fusils d’assaut ont visé des sites choisis soigneusement au cœur de Paris ».
Le parquet antiterroriste mène l’enquête sur ces attaques, les plus meurtrières en Europe depuis les attentats islamistes de Madrid en 2004. Elles ont été perpétrées deux semaines avant la conférence sur le climat (COP21) près de Paris, où sont attendus plusieurs dizaines de chefs d’État. Barack Obama a confirmé sa participation.
– Doigt sectionné –
Deux kamikazes ont été identifiés, dont un des assaillants du Bataclan, Omar Ismaïl Mostefaï, un Français de 29 ans né à Courcouronnes en banlieue parisienne, petit délinquant de droit commun fiché pour radicalisation mais jamais incarcéré. Il a été identifié d’après l’empreinte d’un doigt sectionné, a précisé le procureur.
Son père et son frère ont été placés en garde à vue et leurs domiciles ont fait l’objet de perquisitions samedi soir, respectivement à Romilly-sur-Seine (Aube) et Bondoufle (Essonne). D’autres interpellations et perquisitions dans son entourage familial ont été opérées.
En outre, un passeport syrien appartenant à un migrant enregistré en Grèce, selon Athènes, mais inconnu des services français a été retrouvé près du corps d’un assaillant du Stade de France.
Trois personnes résidant en Belgique ont été arrêtées par les autorités belges. Elles sont « en connexion » avec une voiture Polo « louée en Belgique retrouvée devant le Bataclan », a déclaré le ministre belge de la Justice. Parmi ces personnes, l’homme qui avait loué cette voiture, un Français selon M. Molins.
Ces trois personnes forment-elles la troisième équipe d’assaillants, avec celles du Stade de France et du Bataclan dont les membres sont morts? Rien ne permettait de l’affirmer.
Selon le procureur, trois assaillants sont morts au Bataclan, trois autres se sont fait sauter près du Stade de France, où 80.000 personnes, dont le président Hollande, assistaient au match amical de football France-Allemagne, et un dernier boulevard Voltaire.
Le groupe EI contrôle de larges pans de territoire en Irak et en Syrie et compte dans ses rangs des milliers d’étrangers, dont des Français. Paris, membre d’une coalition internationale, mène des frappes aériennes contre le groupe dans ces pays.
– « Silence endeuillé » –
Au Bataclan, théâtre de l’attaque la plus sanglante avec au moins 89 morts, « les terroristes ont évoqué la Syrie et l’Irak », a dit le procureur. « On entendait hurler, tout le monde essayait de fuir, les gens se piétinaient… C’était l’enfer », a relaté un spectateur.
Parmi les autres attaques, des bars et restaurants ont été la cible de plusieurs centaines de tirs de kalachnikov, notamment rue de Charonne (19 morts) et rue Alibert (15 morts).
Ces attentats ont réveillé le douloureux souvenir des attaques de janvier, contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, qui avaient fait 17 morts.
L’Élysée a annoncé le déploiement de 3.000 militaires supplémentaires d’ici mardi et le renforcement des contrôles aux frontières.
Musées, salles de spectacle et établissements culturels publics resteront fermés dimanche en Île-de-France. Les écoles rouvriront lundi, quand une minute de silence sera observée à midi partout en France.
Les manifestations sont interdites à Paris jusqu’à jeudi. Quelques centaines de personnes se sont cependant rassemblées place de la République, symbole de la mobilisation post-Charlie où la devise de Paris « Fluctuat nec mergitur » (« Il est battu par les flots mais ne sombre pas ») a été peinte samedi.
Des Parisiens se sont retrouvés près des sites visés par les attentats, comme devant le Bataclan, où s’est recueilli le groupe irlandais U2. Des rassemblements ont eu lieu en province.
Malgré quelques irréductibles qui tenaient à sortir pour « continuer à vivre » selon un patron de bar d’Oberkampf, l’une des « rues de la soif » parisiennes, le silence qui régnait samedi soir dans le quartier portait la marque du deuil.
Les principaux partis ont suspendu leur campagne des élections régionales, mais le scrutin aura bien lieu en décembre. « C’est l’une des plus belles réponses que nous pouvons donner à ceux qui s’attaquent à nos valeurs, à la démocratie », a fait valoir Manuel Valls.
Confronté à une fragile unité politique, François Hollande recevra son prédécesseur Nicolas Sarkozy dimanche matin à l’Élysée, puis dans l’après-midi les responsables parlementaires et les chefs de partis.
Dimanche sera aussi une journée de recueillement, le glas sonnant dans les cathédrales, notamment à Notre-Dame de Paris.
Les condamnations ont afflué du monde entier, de Barack Obama, du président iranien Hassan Rohani, mais aussi du Hamas, du Jihad islamique et du Hezbollah. Seul le président syrien Bachar al-Assad, dont la France réclame le départ, a directement critiqué Paris, soutenant que sa politique en Syrie avait contribué à « l’expansion du terrorisme ».