Réassurance et Covid 19 : quelles conséquences financières
Le secteur de l’assurance est soutenu par celui, moins connu, de la réassurance. Dans le contexte de pandémie, qui voit les assureurs en première ligne, la réassurance se trouve logiquement aussi au cœur des problématiques.
Certains de ses acteurs à l’instar de Scor apparaissent durablement fragilisés, au point d’interroger sur leur pérennité. Le premier anniversaire de la crise est l’occasion de faire le point sur ce secteur et sur les difficultés auxquelles il doit faire face depuis le début de la pandémie.
La question du remboursement par les assureurs du manque à gagner de nombreuses entreprises impactées par le Covid-19 a fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Si les assureurs ne peuvent porter à eux seuls le poids financier de l’une des plus graves crises sanitaires de l’histoire contemporaine, ils ont sans nul doute un rôle à jouer. Ces acteurs de l’assurance sont donc confrontés aujourd’hui à une grave crise liée à une explosion de la sinistralité et au Covid-19. Par effet de domino, le secteur de la réassurance est aussi lourdement impacté.
Le principe de la réassurance est assez simple : il s’agit d’assurer les assureurs. Ces assurances aussi appelé assurances secondaires permettent un transfert des risques et évitent aux assureurs de mettre la clé sous la porte dès qu’un de leurs souscripteurs rencontre un dommage trop important. De ce fait la réassurance est partie intégrante du système mondial de l’assurance et même des finances en général, puisqu’elle est indispensable à la mise en place de contrats d’assurances.
En tant que tel, ce secteur méconnu pâtit fortement de la crise sanitaire actuelle.
Où en est le secteur de la réassurance ?
La réassurance a récemment fait parler d’elle à la suite d’une hausse significative de ses tarifs. En effet, pour faire face aux conséquences économiques du Covid-19, à la hausse des sinistres et aux taux particulièrement bas, les réassureurs internationaux ont affiché des tarifs en hausse de 5% à 8% à l’occasion du renouvellement des traités effectué au mois de janvier 2021.
Alors que le secteur connaissait une croissance soutenue et après un long cycle baissier, ses acteurs ont donc été contraints de revoir leurs tarifs à la hausse, mais également de resserrer les conditions de souscription. L’objectif affiché par des réassureurs étant de renouer avec la rentabilité technique.
Le directeur général de Hannover, Jean-Jacques Henchoz, explique ainsi que « les augmentations de prix significatives que nous constatons dans de nombreuses lignes sur l’assurance primaire soutiendront également progressivement les prix de la réassurance. Nous en bénéficierons directement grâce à des couvertures proportionnelles ».
Réassurance : les leaders dans le dur
Hannover Re est le troisième réassureur mondial. Comme la plupart de ses concurrents, il a été obligé d’augmenter ses tarifs en janvier. Une augmentation constatée d’environ 5,5% sur l’ensemble de ses produits de réassurance. Le Directeur général se veut d’ailleurs prudent sur l’avenir et estime que cette hausse devra être maintenue à l’occasion des renouvellements d’avril et de juin/juillet 2021, tant le contexte est incertain.
Le leader mondial du secteur, Swiss Re, est également impacté par la pandémie mondiale. Il a été pointé du doigt par l’agence de notation Moody’s à cause de ses problèmes de rentabilité. En effet, en raison notamment du covid-19, Swiss Re a dégagé en 2020 une perte de 878 millions de dollars. Une situation délicate qui s’explique aussi par la faiblesse de son rendement moyen du capital (ROC), qui était seulement e 1% sur les trois derniers exercices.
Enfin, l’autre géant du secteur, Munich Re a aussi été fragilisé par la pandémie. Sur l’année 2020, son bénéfice net a été deux fois moins important que sur l’année précédente.
Ceux qui ont souffert de la pandémie
Il y a, enfin, les entreprises du secteur dont l’avenir pose de sérieuses questions. Particulièrement exposé aux risques de mortalité aux Etats-Unis, pays où le Covid-19 a provoqué plus de 500 000 morts, le réassureur français Scor a souffert d’un contexte très défavorable au cours des derniers mois. Plus endetté que ses concurrents, sans marge de manœuvre financière et disposant de fonds propres très limités, Scor voit son avenir lourdement hypothéqué. Il pâtit dans le même temps du train de vie de ses dirigeants, dont la rémunération en dividendes, bonus, plan de retraite et en salaire (près de 9 millions d’euros par an pour son PDG Denis Kessler) apparaît totalement décorrélée de ses faibles performances. Au point de peser sur ses résultats, mais aussi sur sa viabilité financière.
Loin d’être purement conjoncturelles, ces difficultés apparaissent plutôt le résultat de faiblesses structurelles de long terme, dont la crise sanitaire n’aura finalement été que le révélateur. Dès avant la crise, le groupe de Denis Kessler semblait distancé par ses principaux concurrents. Alors que Hannover Re, l’un des principaux acteurs de la zone euro, a délivré un ROE de 12,1% sur la période 2017-2019, Scor ne se hissait quant à lui qu’à 5,6%. Un taux modeste, détérioré par son endettement, conséquence de son insuffisance en capitaux, qui affecte son taux de rendement.
Scor pâtit aussi d’une absence de vision. Après avoir refusé l’offre de rachat de Covéa, le réassureur français apparaît en mauvaise posture face aux marchés, dont Scor est plus que jamais dépendante pour assurer ses opérations et servir ses actionnaires. Après le choc mondial du Covid-19, Scor suscite de nombreuses interrogations quant à sa pérennité, et notamment sur l’après-Denis Kessler, son PDG depuis 2002. Aujourd’hui âgé de 68 ans, Kessler aurait provisionné près de 25 millions d’euros pour sa retraite en dépit des mauvais résultats de sa société et de ses problèmes chroniques de liquidité.
A maints égards, la crise sanitaire aura servi de crash test au secteur de la réassurance. Si les acteurs aux fondamentaux les plus solides apparaissent aptes à rebondir après la crise, les réassureurs les plus fragiles voient désormais leur avenir menacé. Un contexte qui devrait être propice à d’importantes recompositions dans les prochains mois et années.