Vendanges : quelles difficultés pour les domaines à attirer des travailleurs saisonniers ?

Image d'illustration. VendangeADN
De nombreuses exploitations viticoles rencontrent des difficultés à embaucher des travailleurs saisonniers pour les vendanges, en raison notamment du manque de candidats, de la pénibilité du travail et de la concurrence d’autres secteurs agricoles.
Tl;dr
- Pénurie de main-d’œuvre locale pour les vendanges.
- Mécanisation croissante face aux difficultés de recrutement.
- Conditions et ambiance moins attractives qu’autrefois.
Des vendanges à la croisée des chemins
Si, autrefois, les rangs de vigne bruissaient d’une effervescence humaine et festive, aujourd’hui, le paysage se transforme. Face à la pénurie de main-d’œuvre locale, nombre de vignerons comme Hugo Chêne, propriétaire du Château Marrin à Saint-Emilion, ont pris une décision radicale : « Il y a deux ans, j’ai investi 230.000 euros dans une machine, parce que c’était devenu trop difficile de recruter du monde », confie-t-il. Les vendanges mécaniques s’imposent peu à peu : selon le ministère de l’Agriculture, près de 72 % du vignoble français est désormais récolté à la machine — une proportion qui grimpe à 90 % dans certaines régions.
Difficultés croissantes pour attirer les saisonniers
Pourquoi un tel basculement ? Selon Jean-Marie Fabre, président de la Fédération des vignerons indépendants, le problème n’est pas neuf : « Cela fait une quinzaine d’années que la situation du recrutement des saisonniers se tend ». L’an dernier, environ 30 % des postes n’ont pas trouvé preneur. Plusieurs facteurs expliquent cette désaffection :
- Salaire au Smic, rarement au-delà de 12 euros bruts/heure.
- Logement quasi absent, faute d’offre ou à cause des normes renforcées.
- Mois d’août avancé : étudiants moins disponibles avec une rentrée universitaire plus précoce.
Les candidats locaux se font rares. Résultat : le profil du saisonnier évolue ; on voit davantage de personnes nomades ou étrangères venant d’Europe de l’Est, recrutées par des prestataires spécialisés.
L’ambiance change, la convivialité en question
Loin du cliché du casse-croûte partagé sur l’herbe humide, certains regrettent la disparition progressive du lien social qui entourait ce moment clé. « C’est toute une main-d’œuvre occasionnelle qui s’est amenuisée en quelques années », observe Jean-Marie Fabre. Les repas collectifs ou fêtes de fin de vendanges perdent en intensité, parfois désertés aussitôt la journée terminée. Pour autant, quelques irréductibles résistent à cette tendance. À l’instar de Vincent L’Amouller, vigneron près de Blaye, qui soigne l’ambiance familiale malgré des moyens modestes : « Je n’ai pas beaucoup d’argent à leur proposer… mais j’essaie de les bichonner. »
L’avenir : mécanisation et mutation sociétale
En filigrane se dessine un changement profond. La société française semble moins attirée par ces travaux agricoles pénibles et éphémères ; la transmission se perd et l’attachement au métier s’effrite. À mesure que la mécanisation s’étend et que les contraintes économiques pèsent toujours plus lourd sur les exploitations viticoles, certains craignent que « plus cela ira, moins on verra d’humains dans les vignobles ». Pourtant, pour beaucoup, le souvenir d’une convivialité passée demeure un repère qu’ils tentent tant bien que mal de préserver.
