Renault: les administrateurs se penchent sur la crise avec l’Etat
Le Conseil d’administration de Renault se retrouvait vendredi pour se pencher sur la crise qui empoisonne les relations du constructeur automobile avec l’Etat français, dont l’influence récemment accrue irrite aussi le partenaire japonais Nissan.
Selon une source proche du dossier, les 19 membres de cette instance présidée par Carlos Ghosn étaient convoqués à 14H00 en réunion extraordinaire, au terme d’une nouvelle semaine de tiraillements entre la firme au losange, son allié japonais et Bercy.
Peu avant cette rencontre, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron a prévenu qu’il ne «laisserai(t) jamais mettre l’Etat en fragilité, jamais considérer l’Etat comme un actionnaire au rabais, ou jamais laisser dire des contre-vérités sur ce que fait l’Etat» chez Renault.
«L’état actionnaire continuera à jouer son rôle, le même qu’il joue auprès de l’entreprise Renault depuis 1945», a ajouté le ministre aux journalistes lors d’un déplacement à Rennes, en énumérant «le développement industriel, la réussite de Renault, de ses véhicules et surtout de ses salariés».
A la source de ces tensions, la décision du gouvernement français de monter au capital de l’ancienne Régie nationale au printemps dernier. De 15%, la part de l’Etat est montée à 19,7%.
Le gouvernement s’était ainsi assuré une minorité de blocage pour imposer à l’entreprise, lors de l’assemblée générale des actionnaires le 30 avril dernier, l’application de la loi «Florange» qui récompense les actionnaires de long terme par l’octroi de droits de vote double.
Le coup de force du gouvernement, qui va pouvoir exercer de tels droits dès la prochaine AG en 2016, a provoqué la colère de Renault et de Nissan, tous deux dirigés par M. Ghosn et liés depuis 1999. Nissan a affirmé cette semaine que le renforcement de l’influence de l’Etat français constituait pour lui un «motif d’inquiétude».
Vendredi, M. Macron a martelé que «les droits de vote double, c’est l’application de la loi Florange, elle s’est décidée en assemblée générale».
La représentation nationale a aussi donné de la voix vendredi par le biais du député Henri Emmanuelli. Il a souhaité que M. Ghosn, dont il a regretté la «réaction hostile et publique» à la manoeuvre du gouvernement, vienne s’expliquer devant la Commission des finances.
«Préservation des emplois»
«Le plus vite sera le mieux», a affirmé M. Emmanuelli en soulignant que les votes doubles chez Renault permettent à l’Etat de «peser sur les choix stratégiques de cette société et en particulier la préservation des emplois et des centres de décision et de recherche en France».
De son côté, M. Macron a réaffirmé vendredi que «l’Etat redescendra en détention capitalistique à 15,01% (…) comme je m’étais engagé à le faire, et nous le ferons en bon ordre pour que l’argent du contribuable soit préservé et je n’ai pas à subir de pression de temps».
Renault détient 43,4% de Nissan, et une filiale de ce dernier contrôle 15% du groupe français.
Cependant, au titre de règles sur «l’autocontrôle», les actions détenues par Nissan ne lui confèrent pas de droits de vote à l’assemblée générale de Renault.
Ces dernières semaines, les rumeurs ont enflé sur une modification de l’alliance: possibilité de voir Renault passer sous la barre des 40% de Nissan afin de débloquer les droits de vote du japonais chez Renault, voire que Nissan monte au capital de son partenaire pour contrer l’influence de l’Etat, ou même fusion des deux entreprises.
M. Macron a refusé de s’exprimer vendredi sur ce sujet précis.
Nissan, qui traversait de graves difficultés quand l’alliance a été conclue, «pèse» aujourd’hui 42 milliards d’euros en Bourse, contre moins de la moitié, 17,6 milliards, pour l’entreprise française.
Les administrateurs indépendants de Renault, dont Franck Riboud, Thierry Desmarest et Cherie Blair, étaient sortis de leur réserve jeudi pour soutenir la ligne de Carlos Ghosn.
Ces dix administrateurs, tout en se défendant dans un communiqué de vouloir «polémiquer sur les déclarations qui peuvent être faites sur l’avenir du groupe», avaient estimé que l’alliance était «essentielle pour la pérennité de Renault et l’adoption des droits de vote double de nature à la déstabiliser».